Se repérer dans la diversité des initiatives.

Avant toute chose, il nous semble important de rappeler que la monnaie n’est qu’un outil au service d’un projet. Il s’agit bien de construire les réponses les plus adaptées aux objectifs, aux enjeux, au projet sociétal que l’on veut promouvoir. L’outil monétaire, pour être pertinent, doit s’intégrer dans cet ensemble : quels échanges souhaite-t-on promouvoir ? Entre qui ? Pour quoi ?

Ainsi, nous avons choisi une typologie dont l’entrée principale est celle des objectifs de l’outil monétaire = quels échanges la monnaie complémentaire a-t-elle vocation à développer ?

Mais toute classification est réductrice.

La « typologie » proposée ici ne déroge pas à cette critique, en donnant l’impression que chaque initiative de monnaie sociales complémentaires poursuit un seul et unique objectif, alors que, souvent, les outils monétaires, au service d’un projet de transformation sociétale, sont à la croisée d’objectifs multiples.

Prenons, par exemple, les monnaies dont l’objectif principal serait celui du développement économique du territoire. L’objectif poursuivi ne se réduit pas au seul intérêt économique : il s’agit, dans la plupart des cas (et dans les cas qui nous intéressent en ce qu’ils sont porteurs de transformation sociale), du développement d’un autre modèle économique : local, résilient, au service des êtres humains et dans le respect de la planète, donnant « à l’économie toute sa place, mais juste sa place ».

De la même façon, ces initiatives contribuent à une "reprise en main" citoyenne de la question monétaire. Par la mise en oeuvre d’un système de monnaie sociale complémentaire, on est amenés à travailler, "décortiquer" les différents aspects du fonctionnement du système, et, par là, à mieux comprendre les rouages de tout système monétaire, y compris de la monnaie officielle, et donc des choix de politique publique monétaire...

Ainsi, même si nous tombons dans la tentation du "découpage", en ce qu’il nous semble intéressant pour aider à se repérer, il est nécessaire, à tout instant, de replacer ces initiatives monétaires dans le cadre plus large dans lequel elles s’insèrent, de les lire au travers des objectifs multiples qu’elles poursuivent.

La première porte d’entrée que nous vous proposons pour naviguer dans la diversité des initiatives de monnaie sociales complémentaires est donc celle des objectifs de l’outil monétaire mis en oeuvre

Les objectifs des dispositifs de monnaie sociale complémentaire.

Quels échanges la monnaie complémentaire a-t-elle vocation à développer ?

• Monnaies de d’échanges de services et d’entraide, à base temps.
• Favoriser les échanges de services entre personnes : échanges de temps et de savoirs, renforcer la solidarité, l’entraide.

• Monnaies pour une économie locale, sociale, solidaire.
• Ces initiatives ont pour objectif principal la dynamisation économique et solidaire du territoire  : développer les échanges économiques, mais des échanges économiques qui ont du sens : satisfaction des besoins des populations, consommation responsable, activités économiques respectueuses de l’humain et de l’environnement.

• Pour certaines, le noeud de l’action est celui de la la relocalisation de l’économie. Mais, selon le contexte, la situation spécifique vécue dans chaque territoire, cette volonté première peut se coupler à d’autres dispositifs, pour la rendre possible : combiner monnaie complémentaire et micro-crédit afin de soutenir des activités génératrices de travail et de revenu, ou encore créer un dispositif qui permette de rendre les échanges possibles là où ils ne peuvent se réaliser, par impossibilité d’accéder aux marchés traditionnels.

• Monnaies de développement économique.
• De fait, les monnaies complémentaires peuvent être un levier pour tout développement des échanges économiques.

• Monnaies mixtes.
• Ces monnaies sont un peu particulières, en ce qu’elles mixent plus fortement différents objectifs, échanges économiques, échanges de services entre personnes, entraide.

• Monnaies pour le développement de gestes éco-citoyens.
• Ce sont des monnaies de valorisation de comportements solidaires et écologiques. L’intermédiaire monétaire permet de les réintégrer dans des circuits d’échange plus larges.

Mais pour mieux comprendre ces systèmes monétaires sociaux et complémentaires, et ce qu’ils permettent, il est également nécessaire de se pencher sur leurs modalités de fonctionnement. Ainsi, on peut aussi classer les différentes initiatives selon...

• Leur "architecture monétaire".

Quelle est l’unité de compte utilisée, quel mode d’émission monétaire, existe-t-il un système de fonte, etc...

• Les acteurs du dispositif . 

Quel est le cercle des utilisateurs, quel mode de "gouvernance" quels choix dans le fonctionnement du dispositif, quel équilibre économique du dispositif

Enfin, une approche complémentaire, en termes de typologie / classification, pourrait être une approche historique.

(comme celle proposée par Jérôme Blanc (maître de conférence à l’Université Lyon 2), qui distingue différentes générations de monnaies complémentaires).

Les articles ci-dessous détaillent ces différentes classifications possibles.